Le constat est là : je ne suis plus qu’un numéro.
Une suite de chiffres perdue dans une machine qui ne marche plus très rond. Quelques gribouillis sur des papiers entassés dans des tiroirs bien trop plein. Il est tellement facile d’étouffer un numéro, de le faire taire, de le faire disparaître.
La loi dit qu’on ne doit pas tuer un homme. Mais qu’en est-il des numéros?
Qu’en est-il de ce que l’on a fait de nous ? Des suites de chiffres, qui se ressemblent ? Où est la différence entre 51927938 ou 51927939 ? Dématérialiser, en oublier la plus fondamentale des vérités :
Derrière les chiffres, un humain, un passé, une histoire, des qualités et des défauts, des particularités qui le rendent unique. Différent des autres.
Qu’en est-il de ses douleurs, de ses peines, de ses joies, de ses doutes ? Les retrouve-t-on en regardant les suites de chiffres que nous sommes devenus ?
Ha qu’il est aisé de juger des nombres complètement inconnus, choisis au hasard dans une pile de dossier, de décider pour lui du restant de ses jours, de choisir son avenir comme on se demande « éclair au café, ou au chocolat » lors du repas de midi .
Notre société, et notre monde, a oublié celui qui l’a façonné, nous sommes instigateurs de notre propre déshumanisation. Ce qui a fait de nous l’espèce, soit-disant dominante, aujourd’hui nous annihile, nous étouffe, nous propulse vers l’inhumanité la plus abjecte.
Nous nous offusquons des violences qui augmentent, du racisme qui progresse, des extrêmes qui se renforcent, nous demandons à nos jeunes d’apprendre le respect, nous exigeons qu’ils suivent le bon chemin, qu’ils marchent dans les bons pas. Mais quel chemin prendre pour une suite de chiffre ? Comment exiger du respect à un homme qui n’en est plus un ? L’homme ne peut pas (et ne pourra jamais) se montrer tolérant s’il n’est pas unique. Ce qui pousse l’homme à accepter, tolérer, et surtout comprendre l’autre, c’est de savoir que l’autre est différent, humain mais différent, voilà tout le paradoxe.
On ne respecte pas un chiffre. On l’additionne, on le soustrait, on le multiplie, et on le supprime. La vie de millions d’êtres humains n’est plus qu’une simple équation, un calcul financier, pour baisser le résultat, il suffit de supprimer des lignes.
Alors supprimons, et oublions que derrière le chiffre se cache un homme.
http://youtu.be/w4NYRbtGAak