Après avoir été réveillé à 8H du matin par un test de grossesse fièrement brandi sous mon nez (oui il y a plus doux comme réveil je te l’accorde), il arrive forcément cet instant où on se demande ce que l’on devra te dire, et t’apprendre, à toi qui vas naître, ou ce que j’aurai eu à te dire à toi qui n’es pas né, pour l’une comme pour l’autre après tout, je suis le père. Et franchement je te le dis tout de suite : on n’est jamais vraiment prêt pour ça.
Alors je repense à ce que mon père (sûrement dans la même galère que moi à l’époque), m’a appris, je le réfléchis, parfois je l’intègre enfin. Mon dieu, voilà que je comprends ce que disait mon père. Ça me rajeunit pas tu sais ? Les mauvaises langues diront que je suis un peu lent. C’est pas faux. 30 ans pour comprendre ce que mon père voulait m’inculquer, on peut dire que j’ai pris mon temps. Ce qui me rassure c’est qu’en en parlant à l’intéressé récemment, il m’a avoué qu’aujourd’hui encore il lui arrivait de comprendre des enseignements de son propre père. Et l’expression « tu comprendras plus tard » prend d’un seul coup un sens nouveau.
Mais bref. Je me retrouve là devant ma page blanche, à imaginer que je te dédie cette lettre à toi qui n’es même pas encore là. Toi cette chose étrange que j’ai vu bouger, qui m’a montré ses poings, et que je sens parfois sous mes doigts quand je touche la peau de ta mère. Ta mère… Mon dieu, voilà des mots que je n’aurai pas imaginé dire un jour.
Je t’ai déjà dit comment j’ai rencontré ta mère (je te préviens ce texte sera bourré de références que tu ne comprendras que plus tard) ? Quand tu seras plus grande je te raconterai certaines choses, tu comprendras alors que j’étais à mille lieux d’être le père que je suis aujourd’hui. Enfin, cela n’est pas le but de ce premier jet n’est-ce pas ? Et puis y’a bien mieux à te dire pour l’instant, que te raconter tout ce que j’ai pu faire avant toi. Tu apprendras les choses bien assez tôt (et le plus tard sera le mieux). Et puis si je te racontais tout aujourd’hui, il nous resterait quoi à nous dire pour les années qui arrivent ?
Bon il est plus que temps que j’arrête de délirer tout seul, et que je commence mon cours magistral chiant comme la pierre, mais qu’en tant que fille attentionnée tu vas lire jusqu’au bout car je suis ton père et que… Et que tu n’as pas le choix en fait, y’a beaucoup de choses que tu pourras choisir dans la vie, mais ça ma pauvre… Désolé mais tu n’y peux rien !
Sois-toi.
Ne laisse personne t’imposer ce que tu dois être. Ne laisse jamais les biens-pensants te dicter leurs lois, leurs règles. Les règles de ta vie sont les tiennes, tu es la seule et unique responsable de ce que tu es, et de ce que tu deviendras. Et quels que soient tes choix, que tu veuilles épouser un poulpe, ou devenir magicien-astronaute, alors je serai là, toujours, à t’aider, te soutenir, et t’appuyer. Je ne serai jamais déçu de ce que tu es, tant que, ce que tu es, reste ce que tu veux. Ne deviens pas un clone des autres, ne devient pas une simple copie de ce qu’on attend de toi. Bien dans ses bottes, droit dans ses pas.
Apprends à pardonner.
Les gens te feront mal, c’est inévitable. Et peu importe la confiance que tu peux avoir en l’être humain, tu seras déçue. La vie est ainsi faite. Mais ne cède pas à la violence, à la colère, ou à la haine. C’est tentant, et facile, mais tu dois apprendre à les contrôler, à te contrôler. Sombrer du côté obscur, tu ne devras pas (pardon, tu comprendras cette référence plus tard après notre marathon « bébé sanglé sur le canapé devant les étoiles »). Le pardon est difficile, son chemin est tortueux, mais tu devras apprendre, et trouver la force de surpasser tout ça. Mais tu devras aussi nuancer. Ne deviens pas une serpillière. Pardonner oui, se soumettre jamais. Apprends à tendre l’autre joue, tout en sachant très bien prévenir que tes genoux peuvent rejoindre les parties génitales de ton vis-à-vis (ne t’inquiète pas, vu que tu es une fille, je t’apprendrai cette manœuvre TRES TRES TRES rapidement !). Nous ne sommes pas des bêtes, mais nous ne sommes pas des plantes non plus.
Accepte l’aide
Parfois tu voudras abandonner, tu n’auras plus la force, plus l’envie, les journées te sembleront longues, et les matins difficiles. Te lever sera compliqué, et cela peu importe la raison. N’oublie alors jamais qu’il y a des gens sur qui t’appuyer, à commencer par moi. Car cette force qu’il te manquera alors, toujours tu la trouveras à mes côtés. Jamais je ne te ferai défaut. Je n’ai jamais fait défaut aux autres, et ils n’étaient pas mon enfant, alors imagine avec toi. Parfois ça sera peut-être un peu étouffant, je m’en excuse d’avance. Mais je répondrai toujours présent, et tu pourras toujours compter sur moi (métaphoriquement bien sûr, enfin… Littéralement quand je t’apprendrai à compter, mais on n’aura pas encore vu la notion de littéralement, ni celle de métaphoriquement d’ailleurs maintenant que j’y pense, donc pour l’instant je continue de délirer dans le vide. Tu apprendras vite que je délire souvent).
Sois la meilleure.
Mais attention avec cette règle à ne pas la comprendre de travers. Il n’y a que peu d’intérêt à être meilleur que les autres, si tu n’es pas meilleur que toi. Si tu dois te fixer un but, c’est de toujours faire mieux, plus efficacement, plus rapidement, que ce que tu as déjà fait. Ta seule et unique unité de mesure c’est toi. Tu dois faire en sorte de t’améliorer par rapport à toi, pas par rapport aux autres. Les autres ne comptent finalement pas. Il arrivera toujours cet instant, où la seule limite sera la tienne, et c’est alors que tu devras apprendre à te surpasser. A être encore meilleure que ce que tu es déjà. L’humain n’évolue que s’il parvient à s’améliorer, pas en cherchant à dominer les autres. Là encore la nuance est ténue, mais tu apprendras. Car si il est bien une règle importante :
Cherche toujours à apprendre.
La connaissance est la source de tout. Savoir est un grand pouvoir. Et un grand pouvoir implique de grandes responsabilités (non là aussi c’est une référence que tu ne peux pas encore comprendre, mais on va remédier à cela ne t’en fais pas). Nous avons toujours des choses à apprendre, à comprendre, la curiosité est le plus beau des défauts quand il est bien utilisé. Sois curieuse de tout, cherche à comprendre, à analyser, cherche ce qu’il te manque et apprends. C’est en connaissant qu’on peut changer les choses, qu’on peut les analyser, et faire évoluer le monde. Ceux qui veulent te garder dans l’ignorance cherchent à te dominer. Et je ne le répèterai jamais assez : ne sois jamais soumise.
Admets tes erreurs.
Aucun humain n’est infaillible. Pardonne les erreurs des autres, mais n’oublie jamais d’admettre que tu en as fait. Avoue. Ce n’est pas en se cachant la vérité qu’on évolue. Tu dois savoir quand tu as merdé, pour apprendre à ne plus le faire. Il est dur d’admettre qu’on ne sait pas, ou qu’on s’est trompé, mais une personne qui admet n’a rien à se reprocher, et crois-moi, il est tellement confortable de savoir qu’on a rien à se reprocher.
Sois heureuse.
Toujours. Quoiqu’il arrive, quoiqu’il se passe, quelles que soient les emmerdes et autres qui te tomberont dessus, profite de chaque petite victoire comme d’un instant de bonheur. Souviens-toi de chaque instant qui t’ont fait sourire, écoute chaque musique qui te fait du bien, regarde chaque film qui te fait rêver, sois juste heureuse. Il est tellement plus facile d’affronter la vie quand on l’affronte avec le sourire. Tu apprendras alors à relativiser, cela te clarifiera les idées, organisera ta pensée, et tu verras que tout est plus facile à affronter. Bon ok je te mens un peu là. Ça ne sera pas plus facile, mais tu le feras avec plus d’énergie. Et crois-moi, dans ces cas-là, l’énergie est vitale !
Bats-toi.
Bats-toi pour tes droits, bats-toi pour exister, bats-toi contre les autres, contre toi-même, pour aimer, pour vivre. N’abandonne jamais, ne rend jamais les armes, ne baisse jamais les bras. Plus le combat est dur, plus la victoire est belle. N’aie pas honte de chuter, c’est une étape nécessaire, une étape vitale. Réessaye, recommence. « Fais-le, ou ne le fais pas, mais il n’y a pas d’essai » (on reviendra sur cette référence en même temps que sur le côté obscur, je te présenterai alors un petit bonhomme tout vert et très gentil. Et non ce n’est pas un brocoli promis). On apprend plus de l’échec que de la victoire. Reviens, recommence, et réussis. Rien ne t’arrêtera jamais, personne ne t’arrêtera, je t’en fais la promesse. Un obstacle ça s’abat, un mur ça se détruit (ou au pire on peut toujours construire une porte, mais je n’ai jamais été un grand subtil).
Il y a sûrement tellement de chose à dire, à t’apprendre, pour te guider, mais cela fait déjà beaucoup tu ne crois pas ?
Alors pour l’instant et par-dessus tout : profite. N’oublie jamais de profiter. Tu n’es pas encore née, tout reste à créer, à faire, tu as encore à découvrir la reine des neiges (pitié faites que cela soit tard! ), Toy Story, les Lego (pitié faites que cela soit tôt! ), la bouffe solide, les grands amours, les petits aussi, les peines de cœurs, et les grand réconforts. Il y aura aussi ta première cuite, ton premier baiser, ta première gamelle, ton premier vélo, notre première engueulade, et la première fois que tu m’insulteras. Ton premier sourire, mon premier rire, notre première discussion, et ton premier grand discours, mais avant tout ça il y aura les couches culotte, là on apprendra à deux. Je connais la partie culotte (tu n’auras aucun détail sur cette affirmation pas la peine de chercher), moins la partie couche ! Autant dire qu’il reste beaucoup de travail, autant pour toi que pour moi. Et je ferai des erreurs, je les admets tout de suite, ça évitera qu’on revienne dessus plus tard tous les deux durant une conversation gênante (crois-moi on en aura bien d’autre des conversations gênantes). Tu es la première, et je ne suis pas sûr de savoir exactement comment je vais devoir m’y prendre, tu apprendras de moi, et j’apprendrai de toi, donnant donnant, deal ?
Voilà que je fais un deal alors que tu n’es pas encore née. On signera l’accord quand tu pourras tenir un stylo !
Je te laisserai donc ici en musique, avec un spécialiste de l’ode à sa fille.
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