Tu n’as qu’à venir ?
Oui cette fameuse proposition, on l’a tous eu un jour: « J’ai invité quelques amis se sera sympa ». Alors, car on est des êtres sociables (ou qu’on fait comme si), on accepte et on vient.
Vous connaissez ce genre de soirées, où votre « ami » a décidé d’inviter pleins de ses contacts, aussi différents que variés, et que vous ne connaissez ni d’ève ni d’adam. Des gens à qui vous n’auriez même surement jamais parlé si cela n’avait pas été au sein de ce simulacre de convenance social qu’on vous impose.
Et alors arrive cet instant fatidique, que votre hôte, charmant et bien pensant, lance comme si il s’agissait de la dernière innovation en date qui révolutionnera le monde et même plus:
« Et si on commençait par un tour de table »
RHAAAAAAAAAAAAAAA….. Que je redoute cet instant là. Non pas que je me considère plus con que les autres, bien au contraire, mais il y a une réalité à cet instant là qui va très vite lancer un ange en vol plané au milieu de la salle.
« Je suis chercheur au cnrs » dit l’un, en costard cravate, merde j’ai mal du lire l’invitation moi et mon jean tee-shirt.
« Je suis responsable marketing pour une grande marque de luxe » ce qui signifie en langage codé « je te fais baver devant des objets que tu ne pourras jamais te payer », ou encore le fameux « je suis professeur d’université », sortit de la bouche de l’homme à la veste en tweed et aux coudes râpés (je ne savais d’ailleurs pas que les professeurs d’université ont un uniforme réglementaire, il faudra que je me renseigne là dessus)
Et forcément il arrive le moment tant attendu de ton intervention. Le groupe tout autour est suspendu à tes lèvres, tu te donnes l’impression d’être Moïse descendant de sa montagne.
« Je suis chercheur d’emploi ».
Oui on ne dit plus chômeur, c’est péjoratif. Un peu comme un balayeur devient technicien de surface, une femme de ménage est un agent d’entretien, ou un nain est une personne de petite taille. C’est pas beau les termes péjoratifs. Ça fait glandu. Même si au final ce terme est faux!
Oui on n’est pas « chercheur » d’emploi. Mendiant à la limite au vu des temps qui court. Mais on ne cherche pas. L’emploi c’est pas un truc, tu rentres dans une entreprise, tu tapes sur l’épaule d’un mec en disant « hé gars, je cherche un travail » et le mec de répondre « ha ben justement on en a un ici, il vous attendait ». Non on ressemble plus à ce gars dans la rue qui te suit pendant 50mètres avec ses « siouuuuuplaiiiiiittttttt de l’arrrgeeeeeennnnnt pour bébééééééééééé »
Enfin bref, les mots fatidiques sont sortis, et les invités si distingués de ton hôte te fixe depuis 45 secondes sans savoir quoi rajouter. Non je n’ai pas la lèpre, non ce n’est pas contagieux non plus, ça se saurait depuis le temps. C’est à ce moment là je crois que l’ange sus-nommé s’écrase au sol. Le professeur ose un timide « Et tu cherches dans quoi? »
La vaste question. Par les temps qui courent bizarrement, je cherche en tout. Mais c’est peut être aussi car je sais que personne ne répond jamais. Sauf le chef de l’entreprise de transport poids lourd.
« Monsieur vous devriez prendre des vacances. Postuler comme chauffeur poids lourd quand on n’a pas le permis, ça veut dire qu’on est proche du burn-out » enfin au moins lui m’a rappelé, et avait vraiment l’air désolé pour moi. Faut dire à mon avis qu’il n’a pas compris de voir arriver le CV d’un mec du multimédia sur son bureau.
Mais poliment, et car on est dans un simulacre de société civilisé je répond « Dans le multimédia, je suis monteur, technicien audiovisuel, graphiste, infographiste, pigiste, et je fais aussi du développement web à mes heures perdus » souvent après cette tirade là l’ange reçoit très vite la visite d’un copain qui à son tour se ramasse la gueule lamentablement au milieu du salon sur son pote qui finalement aurait peut être du rester où il était, plutôt que de venir planer dans cette pièce.
Et oui, le chômeur n’est pas que le gars que l’on voit au bar et qui joue au PMU en attendant que le temps passe, tous les stéréotypes du chômeur/profiteur, de celui qui ne travaille pas et qui ne fait aucun effort. Non c’est aussi le mec qualifié, peut être un peu trop, que l’on ne veut pas payer (c’est bien connu les métiers du multimédia ça ne se paye pas, je vous recommande d’ailleurs le blog http://monmacon.tumblr.com/ qui me fait beaucoup rire à chaque fois).
Alors la conversation dérive irrémédiablement sur le sujet de la crise, de la difficulté des temps qui courent, on en a oublié même qu’il restait des invités à présenter, et l’on revoit sortir les phrases bateau du genre « C’est la crise pour tout le monde », où « il est tellement difficile de nous jour de trouver une solution »
Et alors on commence à compatir, à me sortir des « mon pauvres », et des « ca doit pas être facile tous les jours », ou le fameux « Au moins tu peux en profiter pour sortir »
Alors petit un:
Je me contrefouts complètement que l’on me plaigne: d’abord car je ne suis pas le seul dans ce cas, et que je ne mérite pas plus qu’un autre chômeur (hooo le méchant il utilise un gros mot) la compassion des un et des autres. Au lieu de ça par contre si vous pouviez dire un « tiens j’ai peut être un contact qui… » n’est-ce-pas madame du Marketing? Mais non surtout pas, on ne sait jamais, et si on se mouillait pour un mec qui en fait est une nouille ? Rhaaa la solidarité de nos jours je vous jure…
Petit deux:
Mais bien sur que je sors: je fais régulièrement le trajet maison/pôle-emploi/maison, et celui maison/caf/maison ou encore la fameuse expédition fort touristique maison/maison, qui a le mérite de me coûter bien moins chère en essence. Ho oui je sais il y a des tarifs réduits pour les chômeurs (et encore pas partout), mais pensez-vous vraiment qu’on a le temps et l’envie ? D’abord un tarif préférentiel reste un « tarif », et oui, et dans le cas du chercheur d’emploi, c’est déjà beaucoup dans le budget! Ensuite entre les entretiens foireux, les réponses aux annonces douteuses, et les tentatives pour faire marcher le réseau, la journée et souvent déjà arrivée à sa fin, sans vraiment qu’on est eu l’impression qu’elle avait commencé, et bizarrement l’envie de faire quoique ce soit a disparu aussi vite qu’un billet de 100 euros déposé sur le sol dans une rue passante.
Mais très vite la conversation revient à la normal, quelqu’un a du sortir une phrase que je n’ai pas entendu, (enfin… Que je n’ai pas écoutée surtout) entre le céleri et son verre de champagne, qui nous a amené vers complètement autre chose, et tout le monde s’empresse de partir sur un autre sujet (souvent la politique ça va de paire, avant d’attaquer la société en terme mondiale, puis d’enchaîner sur l’écologie, pour finir sur le dernier voyage en date d’untel ou untel dans tel pays exotique).
Alors, les amis… On vous aime, vous, pour ce que vous êtes, mais rien ne nous oblige à côtoyer VOS amis! Souvenez-vous en, ça évitera à des anges de s’exploser la tronche sur le sol de votre apart!