Je me suis longtemps posé la question, savoir comment je vivrai tout ça, savoir aussi si je devais le raconter. Et après tout, si mon expérience peut en déculpabiliser certains, pourquoi pas. On en a entendu des choses, et la plupart commencent par:
« Tu verras c’est la plus belle chose au monde » ou encore « c’est l’aboutissement d’une vie ».
Vous voulez savoir ? On vous ment.
Spoiler Alerte: Voici l’avis d’un papa sur sa propre réalité.
De façon éhontée en plus, sans aucun scrupule, on vous ment. Sinon vous ne feriez pas de gosses tout simplement !
Vos nuits vont ressembler à un patchwork mal organisé entre phases éveillées et endormissement. Vos jours seront une succession de pleurs que vous ne comprendrez pas. Votre appartement et votre vie bien rangée ressemblera très vite à Nagasaki & Hiroshima réunis. Vous détesterez peut être même votre femme d’avoir osé enfanter ce « truc ». Et aussi car elle sera la seule qui arrivera à le calmer.
Et ça, plus que tout, vous mettra en rage, quand après une heure à l’avoir dans les bras à pleurer toutes les larmes de son corps, elle se calmera enfin en retrouvant ceux de sa mère.
Cette jalousie… Vous aussi vous étiez là à sa sortie, vous aussi vous n’avez pas dormi, vous avez tout fait pour que sa précieuse mère aille au mieux, vous avez été sur tous les fronts, sur tous les combats, vous avez sûrement parcouru plus de 25Km (à plus ou moins 25Km près) dans cette maternité que vous connaissez par cœur. Vous avez tout organisé pour son retour, faits d’innombrables allés et venus, pour satisfaire le moindre de ses désirs. De leurs désirs. Qu’est-ce-qu’elle a de plus que vous ? A part cette poitrine énorme que vous ne pouvez même pas toucher.
Vous avez été au four, au moulin, et derrière la caisse, à devoir servir de tampon entre la famille, la belle-famille, les amis, et elle. Placée dans un cocon de sécurité et d’amour, pendant que vous prenez les balles (vous penserez alors souvent à Rambo en hurlant « c’est pas ma guerre » dans la voiture). Vous aurez été le casque bleue du début de la grossesse jusqu’à l’après accouchement, où votre cordon de sécurité pour empêcher l’envahissement permanent fera de vous la bête à abattre.
Et pourtant depuis que vous êtes rentré le machin vociférant ne vous reconnaît pas, ne vous aime pas, ressent pour vous autant d’attrait que pour la sage-femme. Vous êtes exclu de cette relation entre l’enfant et la mère, vous n’existez plus. Si ce n’est pour les couches sales.
Alors oui, vous aurez envie de tout lâcher, après tout vous comptez si peu, voir même vous vous demanderez si vous êtes réellement en cause dans cette affaire. Après tout… Les gens ont passé leur temps à dire « qu’elle ressemble à sa maman ». Ce serait pas si compliqué de passer la porte et de ne pas revenir, vous ne manquez pas vraiment à ce truc qu’il y a entre eux n’est-ce-pas ? Ça les empêchera pas de continuer leur histoire ? Et puis vous redeviendriez peut être autre chose que le pot de fleur qui a l’avantage de faire à manger le soir.
En fait je vais vous dire une vérité, un secret que personne ne vous raconte:
Durant les 9 mois de la grossesse et les 3 mois après la naissance, vous n’êtes rien. Vous devez savoir que pendant 1 an vous devenez quantité négligeable.
On nous bassine tellement sur le besoin de protection des femmes enceintes, sur leur susceptibilité, sur leur importance, que vous en devenez son ombre. On est conditionné pour ça & ça a une sorte de logique, c’est animal. La procréation & donc la survie de l’espèce est inscrite dans nos gènes, & en cela la femelle qui porte l’avenir devient une merveille, alors que le donneur au départ n’est qu’un donneur, et au mieux un protecteur censé préparer le nid, et protéger la femelle des risques extérieurs. Vous êtes donc ce rôle là. Vous devenez ce bouclier là. Oubliez que vous étiez le charmeur, le beau parleur, le comique, ou l’intello du groupe, non… Vous êtes son ombre, et elle devient objet publique. Qui en a décidé ça ? Aucune idée. Mais c’est ainsi.
Votre femme ne vous appartient plus du moment où vous annoncez qu’elle est enceinte, à quelque temps après l’accouchement. Elle entre dans les « biens collectifs », pas que ce soit drôle pour elle cela dit. Mais elle reçoit des attentions, vous, vous ne recevez plus grand chose.
Si vous avez un tant soit peu d’ego, cela risque de vous faire bizarre. Surtout qu’après l’accouchement, après avoir réussi à vous débarrasser de tout le monde, quand enfin vous débutez votre vie à trois, quand vous vous dites que vous allez enfin accueillir et profiter du fruit de votre travail, vous ne recevez rien. Ne vous attendez pas à ce que votre enfant vous accueille sourire aux lèvres et bras levés. Il n’y a que sa mère.
Autant vous dire que niveau frustration vous avez atteint les sommets. Et je le comprends. D’autres s’enfuient, retrouvent leur liberté, certains pendant la grossesse, d’autres après la naissance, nombreux sont ceux qui partent.
Pourtant……… Pourtant cette année n’est pas tout.
Il n’y a un jour qui compte. Le jour qui deviendra le plus beau de votre vie, bien au delà de l’accouchement.
Celui où épuisé, fatigué, à bout, et en rentrant du boulot, pour la première fois, en vous regardant, votre enfant sourira. Juste un sourire, mais il est pour vous, et ça change tout.
Ce jour où quand il sera en pleurs, épuisé comme d’habitude, vous le prendrez contre votre torse et… Il se calmera, se serrant contre vous comme il se serrait contre sa mère avant. Ce jour où vous prenez enfin la place que vous aviez espéré.
Je ne vous dirai pas qu’après tout roulera comme dans un film de l’après-midi sur M6 (pour ceux qui connaissent pas, imaginez un marshmallow dans une glace de marshmallow recouvert d’une crème chantilly de marshmallow).
Non.
Mais ce sera plus simple, car après les sourires, viendra les rires, les gargouillis qui semblent être un discours qu’elle ne raconte qu’à vous. Ces instants où elle pleurera de vous avoir perdu de vue, et où elle soupirera en retrouvant vos bras. Ce moment où votre voix l’endormira, où votre main aura plus d’importance que tout l’or que vous pourriez lui ramener. Où vous devenez enfin et pour toujours son père, son ami, son doudou, son protecteur (et parfois aussi son pot à bave) . On pourra bien vous dire qu’elle ressemble à sa mère, cela n’aura aucune importance.
Car vous saurez.
Dans ses rires vous retrouvez les conneries qui les provoque, dans son sourire vous reconnaissez le regard que vous posez sur elle, et dans ses soupirs le calme qu’elle trouve dans vos bras. Le reste vous vous en foutez.
Et ce jour là alors vaut toutes les frustrations passées. Il y aura toujours des instants où vous voudrez que ça s’arrête, partir, laisser l’enfant dans un coin et vous rouler en boule au fond de votre couette, bien sûr qu’ils existeront encore, mais ils seront effacés par ses rires. Et ça oui…. Ça c’est la plus belle chose au monde.
C’est beau le rire d’un enfant, c’est une merveille quand c’est notre enfant.
Le problème c’est qu’on nous dit tellement que ça va être l’expérience d’une vie, que c’est l’aboutissement de tout ce qu’on a pu faire ou être, que c’est ce qu’on pouvait désirer de mieux, qu’on est forcément déçu. C’est un peu comme quand on vous dit qu’un film est un chef d’oeuvre, vous en avez des attentes incommensurables, et puis vous tombez sur un truc pas mal mais pas fabuleux.
Alors je vous demanderai de me croire sur parole juste cette fois :
L’intro du film est vraiment à chier, voir même trop longue. Mais patientez un peu, l’intrigue va finir par se développer, et là les rôles prennent de l’ampleur. Vous pourriez être surpris, malgré le début laborieux, de qui pourrait bien finir par partager la tête d’affiche.
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Pffff . Alice, ré-épouse le va.