« Ha tu es gamer, tu dois donc tuer des gens ? « 

J’ai réfléchi il y a peu. Comme cela m’arrive parfois, rarement, mais quand même.

Je me suis rendu compte que lors de mes entretiens d’embauche je restai dans le vague quand était abordé la question de mes « hobbies ». Lorsque le recruteur voyait jeux vidéo, il avait immédiatement une moue dubitative, un rictus que l’on comprend très vite comme « encore un branleur sociopathe ».

Cela arrive aussi en société, ou dans la famille. « Ha tu joues. C’est bien. M’enfin faudrait passer à quelque chose de sérieux »… Oui oui oui… Et si je te brûle maintenant en hurlant hérétique est-ce-que cela deviendra sérieux ?

Et puis c’est quoi quelque chose de sérieux ? Faudrait que je passe au macramé ? Ou au foot peut être ? C’est plus sérieux de gueuler sur l’arbitre, de se coucher par terre en faisant le mort car « mon dieu il m’a effleuré mon petit orteil  » ?

Non sans rire ? Alors mettons les choses au clair tout de suite:

Non je ne suis pas un sociopathe. Il y a peu de chance que je vienne vous découper dans votre sommeil (excepté si vous êtes devenu un zombie, mais cela ne devrait pas se produire avant une dizaine d’années (parenthèse dans parenthèse ceci est de l’ironie pour les pékins du fond qui vont prendre ça pour du premier degrés)).

Non je ne suis pas non plus enfermé toute la journée devant mes jeux vidéos. Je lis aussi, j’écris parfois, je sors même! Non non je ne brûle pas au soleil, c’est les vampires ça, et je ne suis pas un vampire, je suis un gamer. Et oui je sais ce qu’est une femme (je suis marié, et c’est pas arrivé par hasard!).

Non je ne m’imagine pas en train de vous égorger, enfin du moins pas plus que vous lorsque un mec vous a fait une queue de poisson sur la route, ou que vous êtes bloqué derrière la mamie qui ne sait pas qu’il a plus de deux vitesses sur sa voiture.

Et OUI les jeux vidéo m’ont énormément apporté.

Savez-vous ce qu’implique l’E-sport monsieur le recruteur, ou mesdames et messieurs membre de la société bien pensante ?

J’ai fait parti d’équipes classées à CS1.6, j’ai aussi était membre de plusieurs guildes haut niveau dans World of Warcraft, et je ferai l’impasse sur mes années Ragnarok Online car là on en a pour des heures.

Pour arriver à ce niveau là il faut savoir:

Rester concentré: Apprenez qu’il est difficile de rester maître d’une stratégie établie lorsque ça gueule de tous les cotés, qu’un gros méchant pas beau (souvent du type 5 fois plus grand que vous et qui bave) vous crache dessus en hurlant qu’il va vous étriper. Là où vos collaborateur devront prendre une pause tous les 15 minutes, le gamer est capable de rester 4 à 5H d’affilé devant son écran pour trouver une solution au problème qu’est le sien.

S’adapter: toujours être à la pointe, cela nécessite des efforts, des calculs parfois complexes et au centième de point prêt pour être sur que votre avatar numérique reste le plus efficace possible à chaque rencontre qu’il va faire. Savoir se tenir au courant de chaque nouveauté, de chaque changement du jeu, les analyser, les comprendre, et réagir en conséquence. Là où vos collaborateurs ne comprendront rien à la nouvelle nomenclature envoyée par vos clients, le gamer sera capable de l’analyser, de la comprendre, et d’y répondre, cela avant son café du matin et en lisant VDM.

Toujours gérer son stress: Comme dans tout domaine, il arrive que quelque chose foire (ha bha il est passé où notre gros tas de Point de vie sur lequel le boss est censé tapé ? Il a plus de connexion? Ha…. ) et là il faut savoir réagir, réagir vite et dans le calme. C’est comme dans la vie, si vous vous mettez à courir partout en agitant les bras, c’est drôle, mais ça sert absolument à rien (à part peut être à faire du vent pour les oiseaux, et encore).

Le travail d’équipe c’est la vie: L’E-sport est un sport d’équipe. De 5 joueurs à une infinité. J’ai déjà eu l’occasion de devoir organiser et tenir une stratégie définie avec un bon gros groupe de 95 joueurs (vive le joueur contre joueur de Ragnarok Online), et croyez moi pour se faire entendre, et s’avoir manier les susceptibilités des un et des autres, il faut avoir une sacré paire de…. Mains (bha quoi? ). Les joueurs sont aussi différents que complémentaires, et il est palpitant de savoir que vous avez réussi à les réunir, à les faire écouter, à les faire travailler ensemble, pour obtenir le résultat escompté (tiens on dirait presque les préceptes du management qu’on vous apprend dans les grandes écoles)

Et la sociabilité dans tout ca? Et oui l’E-sport vous ne le pratiquez pas seul. Vous avez des adversaires, des concurrents, et des alliés. Il faut savoir avec diplomatie et fermeté négocier, batailler, discuter, pour que chacun puisse prendre du plaisir à ce qui au départ est un passe-temps. Certes cette notion là disparaît peu à peu, mais elle reste pour moi un des fondamentaux de la bonne ambiance et du respect qu’implique le jeux en ligne.

Oui, quand je vous parle de « jeux vidéo » en hobbie, je ne vous parle pas juste du gars qui en rentrant chez lui va gueuler pour avoir sa bière pendant qu’il se vautre sur le canapé, et qu’il râle sur le gars qui triche surement vu qu’il a réussi à le tuer. Non je vous parle du mec qui se tient au courant, qui organise des rencontres (joueur contre joueur, ou joueur contre environnement) qui apporte une pierre à l’édifice parfois fragile d’un groupe de joueur qui veut avancer, et progresser. Je vous parle du gars qui ne va pas passer sa vie devant son jeux, mais qui va s’entraîner, évoluer, avancer, et grandir chaque fois un peu plus.

Je vous parle du mec qui finalement est très proche du sportif, qui chaque jour  repousse la limite de ses capacités, en prouvant qu’il peut encore faire mieux, aller encore un peu plus loin, dans les mécaniques complexes et variées d’un jeu vidéo.

Alors je fais quoi? Je devrai plutôt dire que j’aime passer mes soirées à taper dans un ballon pour voir si je suis capable de le faire rebondir ? Non je ne crois pas. J’aime l’E-sport pour le travail intellectuel qu’il m’apporte. Pour le mental d’acier que j’ai du me forger pour faire mon trou dans ce monde ultra concurrentiel.

Je continuerai à dire que l’E-sport est mon hobbie, ma passion, et qu’il m’a apporté au delà de ce que vous pourriez imaginer. Et j’emmerde les chaines généralistes et leurs reportage à deux francs, juste après avoir parlé de la chaleur, de la pluie, et de la dernière  vidéo qui fait le buzz sur internet, qui vous font croire que les jeux vidéo « c’est le diable ».

Non, c’est la stigmatisation d’une population qui est mal, mais pas cette population.