J’aime bien dire que je suis un enfant du web. Je suis né la même année que lui, je l’ai vu grandir en même temps que moi, je l’ai arpenté de ses premiers émois balbutiant à ce qu’il est devenu aujourd’hui. Il m’a donné mon travail, et parmi mes plus belles expériences.
Du modem qui chantait dans le bureau familial, à la connection permanente de ma fibre d’aujourd’hui qui me permet d’autohéberger ce site. J’ai vu aussi la modification des relations au fil du temps, leur transformation.
Quand j’ai commencé à arpenter le web, c’était IRC. Les relations se nouaient et se créaient durant les soirées organisées. Nous nous découvrions en ligne, et nous attachions en vrai. Le rapprochement était à l’ancienne : une danse, une blague, une caresse, un baiser. Nous prenions le temps, pour créer des choses que nous voulions garder, des souvenirs que nous voulions conserver. Des lèvres, des rires, des caresses, des soirées. De quoi remplir la tête de souvenirs.
Petit à petit nous avons appliqué les règles du fast-food à tout le reste de notre mode de vie. La fast pensée, le fast lu, la fast relation. Les réseaux sociaux ont permis cela. On ne vit plus que sur du virtuel, sans engagement réels. On flirte, on baise, on fantasme en octet avant de passer à quelqu’un d’autre. On se déclare ami en 30 minutes, et on s’oublie en 15. On a des centaines, des milliers d’amis qu’on ne connait qu’en superficiel. Pas le temps de s’impliquer, pourquoi faire ? On obtient notre dose, notre shoot de relation social, pour un instant, pourquoi le vouloir pour plus long ?
On résume nos jugements sur une vie à 280 caractères, 280 caractères pour détruire ou construire une relation éphémère qu’on aura de toute façon oublié dans 2 semaines. Les gens ne sont que de passage. 280 caractères pour avoir une idée, pour la défendre, pour détester ou aimer. 280 caractères pour cancaner, démolir, ou défendre, des gens que l’on ne connait pas. Un vécu en 280 caractères.
Le capitalisme poussé à son paroxysme même dans les arcanes les plus intimes de notre vie. Nous consommons les amis, les amants, comme nous changeons de téléphone, nous oublions les uns les autres, sans jamais d’implication. Le désir né en en 2 phrases, et meurt en 3. Nous déclarons nous aimer à grand renfort d’émojis, notre bouclier contre le vrai investissement, celui qui demande du temps, de l’énergie. Des relations en raccourci clavier : CTRL+A Suppr et tu disparais. Des amitiés pour combler, le temps d’un besoin éphémère. Un ami big mac. Du fantasme sur mesure reçu par DM à la demande comme une commande de porno dans un hôtel, le dm caché dont on a honte, secret de la note que l’on reçoit à la fin de notre séjour.
Certaines vraies histoires se créent, et heureusement ! De belles rencontres que le pont kilométrique virtuel rend enfin possible. Des amitiés qui durent, des amours qui explosent, des désirs qui s’enflamment. Mais pour combien de personnes oubliées ? Jetées ? Reniées ?
Je reste vieille école sûrement. Un attachement pour moi, qu’il soit amical ou plus, n’est pas temporaire. Chaque personne à qui j’ai dit tenir, garde avec lui une partie de moi. Des bouts d’âmes éparpillés, des morceaux de cœur offerts à jamais.